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SCYTHE - CHAPITRE 1


    Avant propos : nous sommes tous en période de confinement, et cette nouvelle ère, un brin historique, nous offre la possibilité de nous réinventer... D'être solidaires les uns envers les autres, et offre surtout la possibilité aux créateurs de contenus d'en proposer, afin de tuer le temps. Comme vous le savez peut-être déjà, j'ai passé tous mes romans à 0,99, afin qu'ils soient accessibles par le plus grand nombre en cette période (vraiment désagréable, on ne va pas se mentir...). Alors, pour vous proposer encore un peu de divertissement, je vous propose de découvrir, avec moi, le projet secret sur lequel je travaille. Je vous posterai régulièrement des chapitres pour, l'espace de quelques minutes, créer une petite bulle qui nous fera sans doute tous du bien. Le but étant de rendre tout ça ludique, et de tuer le temps ensemble. Bien sûr, ces chapitres sont des premiers jets. Aussi, je tiens à vous préciser qu'ils comportent sans doute beaucoup d'inexactitudes, d'approximations, d'erreurs, etc... donc, n'hésitez pas à les relever, si vous vous sentez l'âme d'un bêta-lecteur :) ! De mon côté, je m'engage à vous en publier aussi souvent que possible, afin de faire de ce prochain un roman un beau projet collaboratif.


   Bises à vous, et bonne lecture !


   Les larges steppes Sarmates s’étendent devant-moi. Rien n’est plus beau que cet océan de verdure calme et plat. Dans ma vie, j’ai connu bien des régions, dans lesquelles j’ai mené bien des batailles, mais rien n’est aussi agréable que de rentrer chez soi et de voir surgir une nature aussi belle et aussi profonde que celle-ci. Les dénivelés Macédoniens et les côtes Thraces ne convenaient pas à Rimma, ma jument, ma fidèle acolyte, où que j’aille.


Je caresse son crin, et attrape mon rhyton en corne de vache pour y boire une grande lampée de vin. Cet objet porte-bonheur ne me quitte pas. Jamais. Mon père me l’a offert pour mon passage à l’âge adulte, et l’a fait surplomber d’une tête de mouflon ornementée en bronze. Depuis le jour de mon passage rituel, mon rhyton et mon arc ne m’ont jamais lâché.


 — Ïa, me crie Zapurek, mon garde du corps. Nous sommes bientôt arrivés.

 — Merci, lâché-je sobrement sans détourner mon regard de l’infinie steppe qui s’étire devant-moi.


Il se racle la gorge et arrive à mon niveau, juché sur son cheval noir comme le charbon.


— Qu’est-ce que tu veux ?

— Il faudrait... enfin, je sais que vous n’aimez pas ça, mais il faut mettre les parures.


Je lève les yeux au ciel, et pose le pied à terre en demandant une halte de quelques minutes à mon groupe. Je déteste toutes ces convenances qui incombent à mon rang dans la noblesse Scythe. J’ai été élevée pour être une dirigeante, une meneuse d’hommes, une combattante, une guerrière... pas une princesse. Il n’y a rien, pour moi, de plus glorieux que de mourir dans la bataille. Ces ornements futiles faits d’or et de pierres précieuses ne sont rien d’autre que des parures destinées à affirmer mon rang. Je n’ai pas besoin de ça pour me faire respecter. Si la horde Sarmate que nous nous apprêtons à rencontrer a un problème avec mon autorité, parfait : je me ferais un plaisir de me battre avec chacun d’eux à la suite, s’il le faut. Et à mains nues.

À mon ordre, tout le monde s’immobilise, et Zapurek pose le pied à terre à son tour pour aller chercher les affaires dans mon chariot. Je l’y accompagne.


Lorsque nous sommes sur la route, nous vivons dans ces chariots aménagés. Ici, j’ai tout ce dont j’ai besoin en ce qui concerne les commodités de la vie : meubles de rangement faits d’os ou de bois, tapis perses, cuir finement travaillé et confort.


Je range mon bardas : mon arc composite recourbé, mes flèches d’os et de métal, ainsi que mon glaive de bronze, et délaisse même mon armure pour une tenue plus adéquate : une stupide robe persane aux mille couleurs. Si je dois mourir, je refuse qu’on mette ces ignominies dans ma kourgane (tombe Scythe).


Zapurek fait le tour de ma personne en déposant bracelets, colliers, bagues et autres dorures sur mon corps, en un rien de temps. Il a même le sourire. Pas moi. Je suis en mission diplomatique pour aller rencontrer une horde, je ne suis pas là pour me pavaner dans un banquet Romain, ou Grec. Vêtue comme je le suis, j’ai l’air ridicule, avec mes cheveux blonds tressés en de grandes nattes.


— Voilà qui est mieux, dit-il avec un air de satisfaction.

— Bravo, Zapurek. Tu viens de me contrarier.

— Ne le soyez pas, majesté. Vous êtes parfaite, ainsi. C’est l’apanage de la diplomatie, vous le savez bien. Votre père, le roi Mordos, m’a ordonné de...

— Je sais, Zapurek. Maintenant, espérons que toutes ces parures ridicules ne fassent pas flancher le dos de ma pauvre Rimma.

— Aucune chance si votre armure ne l’a pas fait, princesse Ïa.

Je grommelle en remontant à cheval. Quelques kilomètres plus loin, je commence à apercevoir les premiers chariots de la horde Sarmate.

— Les princesse, chez les Roxolans, ne portent pas de vêtements aussi risibles.

— Vous savez bien que si, majesté, ricane Zapurek.

— Prends garde si tu ris, je pourrais te trancher la tête et boire dans ton crâne.


Il s’arrête aussi sec tandis que nous nous engageons, mes cinquante hommes et moi, dans le camp nomade Sarmate.


— Votre père veut conclure une alliance, rappelez-vous d’être courtoise.

— Tu me prends pour une sauvage ?

— Non, non, je dis juste que vous êtes parfois... impétueuse, c’est tout.

— C’est l’impétuosité, et non la sagesse, qui a rompu les phalanges macédoniennes et nous a permis de marcher dans les rues de Pulpudeva après les avoir écrasés. Souviens t’en. Je ne suis pas une princesse, mais une chef de guerre. Il nous faudra plus que des parures pour prendre Pella.

— Oui, princesse.


Je le foudroie du regard. Zapurek détourne les yeux, et me devance pour aller annoncer ma venue au prince des lieux.


Je toise du regard tous les Sarmates autour, qui nous regardent passer avec de grands yeux. C’est la première fois que nous arrangeons une rencontre officielle entre nos peuples, et la troupe Sarmate doit bien compter 20.000 hommes armés, et chevaux, ainsi que tout le nécessaire de bétail et de chariots. C’est une véritable ville mobile, et une alliance avec eux ne serait pas négligeable pour mener une campagne en profondeur chez les Macédoniens, à Pella, la capitale. Nos premières attaques, que j’ai mené en personne, ont permis de déblayer un chemin, mais fautes de guerrier, nous avons été contraints de faire demi-tour pour revenir à Solokha, chez mon père, au bord de la mer noire, pour chercher du soutien. Mon père, le roi Mordos, qui m’envoie maintenant chercher du renfort chez les Sarmates, en appuyant que cette collaboration pourrait être la plus exceptionnelle, et pourrait permettre d’étendre notre empire nomade jusqu’aux frontières grecques.


Comment ose-t-il ? Comment ose-t-il seulement songer au fait de m’envoyer porter des messages comme une vulgaire diplomate ? J’ai 22 ans, et plus de succès militaires à mon actif que tous ses vieux généraux réunis. Je suis la chef de guerre la plus crainte et la plus respectée de toute la Scythie Royale, et mon nom résonne encore dans le crâne de mes ennemis jusque chez les Parthes, au nord de la péninsule Arabique.


Je ne supporte plus tous ces yeux braqués sur moi.


— Baissez le regard, argué-je. Le prochain fils de jument boiteuse qui pose ses yeux sur moi, je lui décoche une flèche dans le crâne, et je ne rate jamais mon coup.


Presque instantanément, ils détournent le regard. Mon nom est craint jusqu’ici. Ils ont forcément entendu parler de moi, et de ma venue. S’ils cherchent à me provoquer, ils ne vont pas être déçus du voyage. J’ai fait la guerre alors même que ces paysans à peine armés doivent encore en être à braconner des lapins sur les terres macédoniennes. Moi, je les pilonnais de flèches qui faisaient flancher leurs boucliers de bronze.


Zapurek revient vers moi, tandis que je suis à l’arrêt, et m’emmène jusqu’au prince Sarmate.


— Il accepte de vous recevoir.

— Il quoi ?


Il répète, à voix basse, la voix chevrotante devant le tonnerre de ma colère.


— Il... il accepte de vous recevoir, princesse Ïa.

— Zapurek, emmène-moi jusqu’à ce goret impuissant, que je l’égorge de mes propres mains.

— Princesse, je vous en prie.

— Dépêche-toi, ou je te tords le cou, à toi aussi.


Sans un mot de plus, mon garde du corps et ami s’exécute, et m’emmène jusqu’à l’impressionnant chariot du prince Sarmate. La structure est toute faite de bois, d’os et de métal. Les chevaux, harnachés à l’avant, sont parés de dorures tandis que l’emblème du prince, un cavalier bicéphales bandant son arc dans les deux directions, se dresse de toute sa stature.

J’arrive, avec toute ma délégation, au niveau de son imposant chariot. En face de moi se tient un homme juché sur un cheval cendré. Il est torse-nu, et couvert de tatouages tribaux. Son regard, clair comme un ciel dégagé, me transperce immédiatement. Il porte un grand arc dans son dos, ainsi qu’une lance, qu’il garde sur le flanc droit de son cheval. Sa chevelure, longue et tirée en arrière, tombe en cascade en une tresse parfaitement équilibrée tandis qu’une barbe finement taillée lui mange le visage.


Zapurek prend la parole pour me présenter :


— Voici la princesse Ïa, cheffe de guerre de La Horde des Steppes, héritière première du nom du roi Mordos, souverain de la Scythie Royale, conquérante de...

— Ça suffit, Zapurek, tranché-je. Nul besoin de plus de présentations.

Le prince Sarmate face à moi ricane et esquisse un sourire prétentieux.

— Je suis Azes Le Puissant, premier prince, héritier du royaume Sarmate, conquérant des colonies de la mer noire, et terreur des Gètes. Je vous imaginais... plus grande.

Quel affront. Pour qui se prend-il, celui-là ?

— Par « Terreur des Gètes », vous insinuez que vous avez réussi à mettre à sac de petits villages de fermiers ? Félicitations. J’ai vaincu de vrais guerriers, en ce qui me concerne.

Les Gètes, ce peuple répugnant de barbares qui vivent au-dessus du Danube… ce ne sont que des fermiers, pas des combattants. Je ne vois pas en quoi une alliance avec cette tribu Sarmate serait intéressante.

— Tiens ta langue, princesse, ou je te la ferai couper, et tu rentreras chez ton père le roi muette comme un esturgeon.

— Comment oses-tu… ? demandé-je en descendant de cheval.

— Princesse… me retient Zapurek.

— Ne me touche pas, dis-je sèchement en attrapant mon poignard. Je vais le scalper, en commençant par entailler ses oreilles.


Le prince ricane, et descend à son tour pour se dresser face à moi de toute sa stature. Chez nous, les Scythes, lorsqu’un ennemi est vaincu, nous prenons sa tête. Enfin, plus précisément, la peau de sa tête. Nous commençons par entailler la peau au niveau de la nuque, et nous tirons jusqu’à écorcher complètement le visage. Ensuite, nous plions le visage et en faisons des serviettes que nous gardons sur le côté de nos chevaux, en signe de gloire.


— Je ne vais pas me laisser impressionner par une princesse qui se prétend guerrière, et n’a que six peaux sur le côté de son cheval, dit-il à quelques centimètres de moi.


Il est plus grand. Beaucoup plus grand que moi. Sa stature m’écrase complètement. Il me domine du regard. Il est musculeux, et son regard ne trahit pas une once de peur. Pourquoi n’a-t-il pas peur de moi ? Tout le monde a peur de moi, d’ordinaire.


— Je n’ai que six peaux parce que je ne prends que celles des chefs de guerre, contrairement à toi, faucheur de paysans.


Zapurek descend de cheval à son tour pour me calmer. Il sent que je suis prête à exploser, et il a entièrement raison. J’ai le poignard déjà dégainé, et sur un coup de sang, je pourrais très bien lui trancher la gorge, là, maintenant.


— Princesse, je vous en prie… dit mon garde du corps en arrivant à mon niveau.

— Bah oui, princesse ? Pourquoi vous ne vous calmez pas… ? demande le prince avec un air narquois.

— Zapurek, n’interviens pas.

— Vous ne devriez pas…


D’un geste sec, j’expédie un coup de poing à mon ami, qui tombe à la renverse.


J’attrape le cou du prince Azes dans un élan de folie furieuse. Il dévie ma main, et la serre, tandis que de l’autre, je lui assène un coup de poignard qui lui écorche légèrement la joue, grâce à une habile esquive de sa part.


Je lis la fureur sur son visage. Dans ses yeux, je vois une haine indescriptible. Il veut me tuer, mais pas de chance, je le ferai avant.


— C’est avec une sauvage pareille que mon père veut créer une alliance ?

— Nous avons besoin de guerriers, pas de jeunes fermiers armés de lances, fils de porc.


Les murs de Macédoine ne tomberont pas tout seuls. Notre dernière campagne, aux portes de Pella, a été un échec. Nous avons été contraints de nous replier sur nos chevaux, faute du nombre de soldats adverses. Je me souviendrai toujours de Zapurek, me forçant à quitter la bataille. J’aurais dû mourir, là-bas, et emporter avec moi des macédoniens. Au lieu de cela, je suis toujours vivante, comme une lâche, et je regrette l’instant où j’ai suivi Zapurek. J’aurais dû être au milieu de la mêlée, avec mes hommes, et trancher ces hellénistes avec ma lame.

Le regard du prince me traverse comme une flèche aiguisée. Ses deux yeux charbonneux me consument. Il a l’air combatif et déterminé. Sa puissante musculature ruisselle de l’effort récent. C’est pathétique.




— Est-ce déjà trop pour un prince que de se battre contre une princesse ? Vous suez comme une truie qu’on va abattre.

— Avant de rencontrer votre illustre personne, princesse, je chassais pour nourrir les miens.

— Vous devriez peut-être apprendre à vos hommes à se servir d’un arc… cela vous éviterait ce genre de corvées.

— J’aime la chasse, et j’ai l’oeil vif pour le gibier. Je ne rate jamais ma cible.

Sa réputation le précède. Le prince Azes est un fier combattant, aussi bien à l’arc, qu’à la lance. C’est un furieux cavalier qui n’a peur de rien. Je connais son prestige, mais il ne m’impressionne pas.

— Vous avez en tout cas raté vos négociations. Bon courage, lorsque les Thraces ou les Macédoniens viendront vous chercher.

Il me relâche de son emprise, tandis qu’une perle de sang roule le long de la blessure que je lui ai infligé au niveau de la joue.

— Et ensuite, ce sera votre tour.


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